Afrique: Ces frontières qui unissent

Article : Afrique: Ces frontières qui unissent
Crédit:
19 novembre 2013

Afrique: Ces frontières qui unissent

Pont-ngueli-2

Traditionnellement, la frontière est définie comme une ligne marquant la fin et le début des territoires des Etats. Mais en Afrique, force est de constater que les frontières, loin de diviser, de séparer unissent plutôt des populations vivant le long des frontières. Des activités, des événements qui favorisent le vivre ensemble et la cohabitation se développent le long des frontières africaines. On pourra donc parler d’une coexistence transfrontalière conviviale dans plusieurs régions d’Afrique même si souvent ces frontières sont des zones de conflits ou de sinistres.

Il suffit de se poster à la frontière, pour voir comment elles sont traversées, pour voir comment au quotidien s’effectuent des échanges commerciaux, culturels entre de nombreuses populations. Ces échanges sont la manifestation d’une cohabitation pacifique entre des peuples. En Afrique, la frontière n’est pas un lieu calme, une zone silencieuse comme c’est le cas de plusieurs frontières en Occident. La frontière en Afrique est inspiratrice du vivre ensemble, de la tolérance, des valeurs chères aux sociétés africaines. Se positionner à la frontière, c’est inviter à la rencontre, c’est inviter l’autre, le semblable à la coopération,  à la communication. J’ai vécu longtemps le long de la frontière tchado-camerounaise, et j’y ai expérimenté au quotidien le bonheur humain. En Afrique centrale, entre le Cameroun et le Tchad, la construction en 1985 du pont de Nguéli a été une opportunité pour de nombreuses populations. Le pont relie la ville de Kousseri (Cameroun) à celle de N’Djamena (Tchad). Auparavant confinées à des activités de ménage et de reproduction à cause des pesanteurs culturelles et des conjonctures économiques défavorables, les femmes peuvent désormais gagner leur vie en franchissant la frontière. Les troubles politiques au Tchad marqués par des guerres civiles et des rebellions armées ont également favorisé l’émergence d’initiatives. La mobilité transfrontalière devient une source vitale pour plusieurs personnes, divorcées, veuves, sans-emplois, handicapées physiques, sourds-muettes, etc. Ici, l’usage de la langue arabe est une nécessité.

le_pont_et_les_motos.jpg

Au quotidien, s’affiche un décor extraordinaire : piétons, cyclistes, motocyclistes et quelques voitures se fondent dans la masse. Les regards pointés vers l’Est (côté Camerounais) et l’Ouest (côté Tchadiens). Dans la vague des personnes qui font la navette, on voit des vieillards, des adultes, de jeunes gens et des femmes. Toutes les dames et les jeunes filles portent le voile. On a bien l’impression qu’elles ont chacune un bébé sur le dos ou qu’elles sont enceintes.

border_chad-cameroon
Frontière entre le Tchad et le Cameroun dans le Lac Tchad. A gauche des pêcheurs tchadiens, à droite des pêcheurs camerounais. Une ligne presque invisible sert de frontière.

 En effet, il est connu que l’ensemble des frontières en Afrique fut élaboré dans le contexte colonial. Elles ont été esquissées dans leur grande majorité entre 1885 et 1900. La plupart de ces frontières constituent un vestige de la décolonisation. On estime que 70 % des frontières africaines telles qu’on les connaît aujourd’hui furent définies sans concertation avec les populations concernées, entre la conférence de Berlin et la fin de la première décennie du XXe siècle. Elles ont longtemps été considérées comme des frontières apaisées séparant des populations de même culture ethno-religieuse et des Etats (Côte-d’Ivoire, Burkina Faso, Mali, Guinée et Ghana) qui appartiennent à une même organisation économique supranationale, la communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou la CEMAC en Afrique centrale.

Partagez